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Transfert d’Emiliano Sala: « Cardiff a jusqu’au 3 avril 2019 pour répondre à la requête du FC Nantes »

Le Sport Business jeudi 21 mars 2019
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Deux mois après la tragique disparition d’Emiliano Sala, où en est-on concernant le règlement du transfert ? Ce sujet polémique implique financièrement le FC Nantes et le club de Cardiff. Eléments de réponse avec Alvyn Gobardhan, avocat au sein de la société d’avocats De Gaulle Fleurance & Associés

Le Sport Business: Le club de Cardiff reste ferme et n’a toujours pas versé le moindre euro au FC Nantes ?

Alvyn Gobardhan: Il semble que le club de Cardiff refuse toujours de payer l’indemnité de transfert d’Emiliano Sala au FC Nantes, tant que les responsabilités de son accident ne sont pas établies. Pour sa part, le FC Nantes considère que cette indemnité de transfert lui est due, indépendamment des responsabilités de cet accident, dès lors que le transfert a été enregistré auprès de la Fédération anglaise de football. D’après les informations de la presse, c’est en raison de ce désaccord et du défaut de paiement du club de Cardiff que le FC Nantes a saisi la FIFA.

Concrètement, à ce stade de la procédure, chacune des parties échange des écritures aux termes desquelles elles tentent de convaincre la FIFA du bien-fondé de leur position. C’est sur la base de ces écritures et éventuellement d’une audience de plaidoiries que la FIFA rendra sa décision. Ces échanges sont organisés par la FIFA et d’après les dernières informations, le club de Cardiff a jusqu’au 3 avril 2019 pour répondre à la requête du FC Nantes.

Ces échanges peuvent durer plusieurs mois, le temps pour chacune des parties d’en prendre connaissance, de préparer son argumentaire et d’y répondre. Entre temps, le FC Nantes et le club de Cardiff peuvent toujours régler leur litige amiablement et ainsi mettre un terme à cette procédure.

Nantes a saisi la FIFA mais quel est le pouvoir de l’institution ? Elle peut rendre une décision, comme un tribunal ?

Les litiges de nature sportive sont tranchés au sein même du mouvement sportif, grâce à la « justice fédérale sportive ».

La justice fédérale sportive est construite autour de commissions mises en place par les fédérations sportives (nationales et internationales) elles-mêmes. Ces commissions sont chargées de trancher les litiges relatifs à l’activité de la fédération sportive, selon des règles de procédure et de compétence déterminées par la fédération. Même si elles ne sont pas des tribunaux étatiques, ces commissions doivent respecter les règles et principes essentiels de procédure et des droits de la défense, afin de notamment garantir indépendance et impartialité aux membres de la fédération sportive. Tout membre d’une fédération sportive (qu’il s’agisse d’une autre fédération sportive ou d’un sportif individuel) a en principe accepté les statuts et règlements de cette fédération et, de fait, de soumettre ses éventuels litiges aux commissions de cette fédération. En principe, il est obligatoire de recourir à ces commissions avant de saisir la justice étatique.

S’agissant de l’affaire opposant les clubs du FC Nantes et de Cardiff, la FIFA est la fédération sportive internationale qui a pour but « d’établir des règles et des dispositions régissant le football et les questions y afférentes, et de veiller à les faire respecter »[1]. C’est en cette qualité que la FIFA a édicté le « Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs » et a créé deux commissions chargées de veiller au respect de ce règlement : la « Commission du Statut du Joueur » et la « Chambre de Résolution des Litiges ».

Dans la mesure où ce litige porte sur le non-paiement d’une indemnité de transfert entre deux clubs appartenant à des fédérations sportives différentes (française et anglaise), le litige est en principe tranché par la Commission du Statut du Joueur de la FIFA. S’appuyant sur le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, cette commission devra trancher la question de l’exigibilité de l’indemnité de transfert. Cette commission a le pouvoir de condamner le club de Cardiff et de prononcer des sanctions disciplinaires à son encontre.

Par la suite, le FC Nantes ou le club de Cardiff pourront contester la décision devant le Tribunal Arbitral du Sport situé à Lausanne. En revanche, il ne revient pas à cette commission d’établir les responsabilités de l’accident d’Emiliano Sala.

Il y a eu des situations similaires dans l’histoire du football ?

A ma connaissance, ce drame et le contentieux en résultant sont inédits. En revanche, il n’est pas rare que des clubs saisissent la Commission du Statut du Joueur en raison du non-paiement d’indemnités de transfert.

Pour rester dans l’actualité, parlons un peu des déplacements de supporters, qui font toujours débat. On l’a vu avec les fans du FC Nantes qui ont été interdit de déplacement le week end dernier alors même que la Brigade Loire fêtait son 20ème anniversaire…

Nous savons depuis longtemps que la sécurité des manifestations sportives est une préoccupation des pouvoirs publics. Pour assurer cette sécurité, le Code du sport a mis en place un régime d’interdiction administrative individuelle de stade et un régime d’interdiction administrative de déplacement de supporters. Les préfets sont ainsi autorisés à adopter des arrêtés afin de restreindre la liberté d’aller et venir des supporters. C’est sur ce fondement que les supporters de Nantes ont récemment été privés de déplacement à Reims.

Il est bien entendu possible de contester ces arrêtés sur le terrain judiciaire puisque ces mesures administratives restreignent plusieurs libertés individuelles fondamentales et notamment cette d’aller et venir et la liberté d’association. Si l’ordre public doit évidemment être préservé, il ne peut l’être au prix d’une restriction trop importante de ces libertés fondamentales. C’est la raison pour laquelle il n’est pas rare que des associations de supporters ou des personnes faisant l’objet de ces interdictions saisissent le juge administratif pour solliciter l’annulation de ces arrêtés qu’ils considèrent disproportionnés. En général, ces procédures ont lieu en référé, c’est à dire en urgence, compte tenu de la date à laquelle sont adoptés ces arrêtés.

[1] Article 2 des Statuts de la FIFA

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Alvyn Gobardhan est avocat en droit des contrats et droit commercial, aussi bien en conseil qu’en contentieux. Il intervient également en droit du sport, aux côtés des acteurs du monde sportif, dans leurs opérations de visibilité (sponsoring, naming), pour l’organisation de leurs manifestations et compétitions (billetterie, protection du droit d’exploitation des fédérations sportives…), ainsi que sur des problématiques plus spécifiques, telles que le dopage ou les contentieux sportifs.