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Reconversion : Vincent Defrasne, champion olympique et chef d’entreprise

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En 2006, Vincent Defrasne a remporté l’or olympique aux Jeux de Turin sur l’épreuve de biathlon . Il est aujourd’hui chef d’entreprise, à la tête de la marque de vêtements techniques Ayaq. Avant le coup d’envoi de Paris 2024, il se replonge dans le passé et glisse quelques conseils de reconversion à la nouvelle génération.

Le Sport Business : Des médailles de bronze aux Jeux olympiques, des titres de champion du monde… Mais la plus prestigieuse des victoires reste la médaille d’or sur l’épreuve de poursuite. Comment votre vie a changé ensuite ?

Vincent Defrasne : Dans le bon sens. Même si ce n’est pas facile et qu’il faut prendre ses repères. Il a fallu s’approprier ce titre olympique, pour soi-même et aussi socialement car beaucoup de choses changent. J’ai essayé de faire attention à ce que certaines choses restent comme avant, mon rapport aux gens par exemple. L’intérêt des médias pour moi et pour le biathlon a aussi changé avec cette victoire. Il faut prendre ses marques et apprendre à dire non. Il y a eu des changements, certes, mais c’était agréable et enrichissant.

A cette époque, quatre ans avant la fin de votre carrière, est ce qu’on pense déjà à une possible reconversion ? Vous aviez une formation académique ?

J’avais commencé la fac de sport et j’avais passé mon brevet d’état de ski nordique pour enseigner le ski si je le souhaitais mais je m’étais mis à fond dans ma carrière. J’étais donc peu formé. Ma fin de carrière était en 2010, j’ai commencé à y penser en 2008 et réfléchir ce qui me plairait pour la suite. Concrètement, c’était des échanges avec des professionnels et des discussions. Je me suis formé sur le terrain ensuite.

Vous avez intégré le Comité International Olympique en 2010, ce sont vos médailles et votre carrière sportive qui vous ont ouvert les portes ?

Ce qui m’a ouvert la porte, c’est d’avoir frappé à la porte. J’aurai été accueilli de la même façon si j’avais seulement participé aux Jeux. Cela aide car on a une relation officielle avec le mouvement olympique. Le CIO se donne le rôle d’accompagner tous les athlètes olympiques. Ma démarche a été dé réaliser que ce mouvement m’intéressait et que je voulais comprendre les activités du CIO. 

Le président de l’époque, Jacques Rogge, m’a très bien accueilli et m’a mis dans les mains de différents services. C’est tombé au bon moment car le CIO faisait la leçon à ses partenaires mais n’avait pas encore de programme d’accompagnement des athlètes. C’est comme ça que cela a commencé et ce programme d’accueil perdure. Chaque année, des athlètes réalisent un stage d’immersion.


Quel regard vous portez sur les athlètes français qui vont être engagés sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris ? On se rend compte que beaucoup connaissent des difficultés financières…

Oui mais c’est le cas pour l’ensemble des athlètes, pas que les Français. Pour avoir travaillé au CIO avec les Comités nationaux olympiques (il y en a 206 dans le monde), j’ai pu voir que la France était loin de laisser ses athlètes dans la nature. Evidemment que ce n’est pas simple mais la vie n’est pas simple. Il faut se donner les moyens de ses ambitions dans tous les domaines. Etre aidé c’est important et il faut aider les athlètes mais je ne suis pas dans l’état d’esprit d’accompagnement partout et tout le temps. L’athlète doit aussi se prendre en charge, sur sa vie financière par exemple, c’est une bonne préparation pour la suite. La vie est très dure. En comparaison avec le monde sportif mondial, la France accompagne ses athlètes mais je ne dis pas que tout est parfait, loin de là.

Quels conseils vous leur donneriez ?

Lorsqu’on est au cœur de sa carrière, ce n’est pas simple. Quand on veut chercher le plus haut niveau, il faut vivre pour cela. Tony Estanguet l’avait bien fait à son époque, il avait diminué son implication sportive pour se laisser du temps sur sa préparation de reconversion. Mon conseil, ça serait de vivre à fond sa carrière sportive et se laisser du temps avec une formation académique ou tout simplement en se formant seul, à distance, en rencontrant des professionnels. Les entreprises recherchent des gens avec des compétences je trouve, pas forcément des diplômes. Je pense qu’il faut arrêter avec un plan et des idées en tête sinon la chute est trop vertigineuse.

Votre marque Ayaq, c’est aujourd’hui 10 salariés. Comment vous êtes devenu chef d’entreprise ? 

Tout a commencé en 2011. J’étais au CIO à l’époque et il fallait que je trouve un cadeau pour les jeunes athlètes des Jeux olympiques de la jeunesse. J’ai trouvé des gants tactiles pour manipuler un téléphone, c’était génial à l’époque mais lorsque j’ai regardé la composition et la provenance, je me suis dit qu’on allait pas les offrir car environnementalement parlant ce n’était pas super.

Les années d’après, grâce aux projets que je réalisais pour la fondation Somfy, j’ai trouvé que le monde de l’entreprise était passionnant. Les entreprises ont un pouvoir énorme sur les sujets de société et d’environnement. La canicule de 2013 aussi, je m’en souviens, m’a convaincu qu’on allait pas dans le bon sens. 

Je suis plutôt content des débuts de la marque. Nous sommes dans le temps long, on est encore au début de l’histoire. Quatre ans après le lancement, on a un beau développement, on est dans quatre pays, avec des collections hiver et été. Je suis épanoui et parfois inquiet. Il y a des sujets positifs et difficiles tous les jours. Nous commençons à attaquer d’autres univers avec d’autres vêtements.

Le Made in France fait-il partie de votre stratégie ?

Nous travaillons dans un écosystème européen car tout le savoir faire dont nous avons besoin n’est malheureusement pas en France. Dans le développement et la fabrication, nous sommes très européens (Portugal, Lituanie, Italie) et aussi français sur beaucoup de produits. Dès qu’on peut le faire, on fabrique en France. Par amour, j’aime mon pays, j’avais d’ailleurs été porte drapeau aux Jeux de Vancouver et par conviction car c’est un axe stratégique pour une marque comme la notre.