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[Interview] Emmanuel Petit: « Je ne ferai jamais l’unanimité… »

Le Sport Business jeudi 17 septembre 2015
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Son deuxième livre vient de sortir. Dans Franc-Tireur, Emmanuel Petit revient sur sa carrière et le football qu’il aime tant. Sans langue de bois, il dresse un regard sur l’évolution de son sport. Et tant pis si ça déplaît !

LeSportBusiness.com: Ce livre, on le sent, ce n’est pas une histoire d’argent. Vous aviez encore des choses à dire sur le football.

Emmanuel Petit: Disons que je me prends vraiment au jeu. C’est mon deuxième livre, l’écriture est un exercice que j’aime beaucoup. Je l’ai co écrit avec Kader Boudaoud car à la base, c’est une sollicitation de France Télévisions et des éditions Solar. Ils avaient fait la même chose avec Fabien Galthié pour le rugby.

Le timing était bon car cela faisait un moment que j’étais sollicité par des maisons d’édition. J’écrivais tous les jours lorsque j’étais jeune. Le timing était parfait car j’avais envie d’écrire un nouveau livre sur le football, le monde amateur et les supporters. Ce n’est pas un livre technique. Je voulais expliquer l’évolution du monde du football, chose dont j’ai été un témoin privilégié.

Comment s’est passée l’écriture avec Kader Boudaoud ?

Avec Kader, on s’entend parfaitement. L’idée n’était pas de faire un livre à charge car j’en ai marre qu’on me caricature. Ma liberté de parole a toujours été considérée comme un esprit de rébellion alors que ce n’est pas mon objectif et mes motivations.

Kader est mon binôme sur les chaînes de France Télé. Nous voulions mettre en valeur certaines compétitions comme la Coupe de France qui a été celle de mes premières amours.

Vous attaquez pas mal la Ligue et la Fédération dans votre livre. L’exemple de Luzenac symbolise, selon vous, beaucoup de dysfonctionnements…

Le club a complètement disparu des radars. C’est surprenant de constater qu’un club a gagné le droit, sportivement, d’accéder à l’échelle supérieure et finalement on les rétrograde. On invente des normes encore plus rigides pour embellir le produit qu’est la Ligue 1 ou la Ligue 2. Derrière, il y a des suppressions d’emplois. C’est surprenant et scandaleux.

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Vous parlez aussi du football à 5, très à la mode aujourd’hui…

Je ne suis pas en opposition avec le football business et sa financiarisation. Simplement, ça atteint de telles proportions aujourd’hui qu’on a l’impression que les normes actuelles permettent à certains clubs d’être dans l’entre soit.

La FFF n’a pas inventé le football, elle est chargée de le développer. Pour le monde amateur, je souhaiterai que la LFA ai les pleins pouvoirs.

La FFF s’est rendue compte qu’il y avait une exode de ses licenciés vers le football à 5, qui a une approche ludique. Elle s’y intéresse fortement aujourd’hui. On peut s’interroger sur l’embauche d’Aymeric de Tilly, l’ancien directeur associé des centres Urban Soccers, au poste de directeur adjoint du football amateur. C’est peut être pour faciliter l’absorption du foot à 5 à moyen terme et donc la commercialisation. La FFF a imposé des règles et à un certain niveau, les pratiquants doivent être licenciés sous la fédération. C’est une manière de récupérer des licenciés qui sont partis car ils ne s’identifiaient plus avec le foot traditionnel. S’y intéresser c’est bien mais le récupérer pour le commercialiser et dégager une rentabilité, je ne crois pas que ça doit être la priorité de la FFF.

Monaco, c’est votre club de cœur. Vous auriez aimé y jouer un rôle ?

Depuis la nouvelle présidence, beaucoup de choses ont changé au sein du club. En bien ou en mal, ce n’est pas le sujet. Lorsque Dimitri Rybolovlev a repris les rênes du club, certaines personnes voulaient que je le rencontre. Je suis allé à son domicile, à Monaco, l’entretien a duré une heure et demi et j’ai bien vu que je ne l’intéressais pas.

Les gens proches de lui m’ont pourtant dit que c’était un exploit de rester en conversation aussi longtemps. Je me suis déplacé à mes frais et au final, rien n’est abouti. Ma seule satisfaction c’est d’avoir signé avec Netco Sports l’application de l’AS Monaco et ils en sont très contents.

Au niveau d’un club en France ou dans les instances, on ne m’a jamais sollicité. Un club étranger m’avait proposé quelque chose mais pour des raisons personnelles, je ne pouvais pas faire abstraction de ma famille.

Sous les couleurs de Monaco, il a tout appris et remporté son premier trophée, la Coupe de France.

Sous les couleurs de Monaco, il a tout appris et remporté son premier trophée, la Coupe de France.

Vous êtes resté  très actif au-delà de votre rôle de consultant sur France Télé.

J’ai beau être dans les droits télévisuels depuis plus 10ans, même si je suis en guéguerre interne avec les actionnaires majoritaires. Il y a encore peu de temps, j’étais actionnaire avec Netco Sports.

J’essaie de m’intéresser à toute l’industrie du sport et du football en général. J’ai fait le CEDS de Limoges, comme beaucoup d’anciens joueurs. Je n’ai pas l’ambition de devenir entraîneur. Cette volonté de faire passer des diplômes pour devenir entraîneur ne me parle pas beaucoup. Le football ça s’apprend dans son jardin dès la base. Je veux bien qu’on fasse passer des diplômes aux entraîneurs mais alors sur du management parce qu’à l’image des présidents, ce sont des chefs d’entreprise. Quand je vois le niveau de ceux qui font passer les diplômes la DTN, je peux me poser des questions…

Vous êtes aussi dans le monde associatif…

Ca fait plus de 20 ans que je suis dans le domaine associatif et caritatif. J’ai donné mon image et accompagné des collectifs pour déposer des dossiers. Je suis ambassadeur de la Homeless World Cup depuis plusieurs années.

Avec Eric Thomas, on a organisé la Coupe du monde du football amateur pendant le mondial au Brésil. En ce moment, on travaille d’arrache pied pour organiser le championnat d’Europe amateur sur 3 sites. C’est beaucoup de travail car il faut mobiliser des sponsors et les collectivités locales.

Il faut rendre la pareille à tous ces gens qui œuvrent les week end pour faire marcher les associations sportives. J’ai l’impression qu’on les met toujours de côté. Je n’ai pas toujours une caméra derrière mon épaule pour expliquer mon implication.

Les footballeurs d’aujourd’hui semblent inaccessibles. Vous êtes resté toujours très disponible avec les supporters.

C’est malheureux mais c’est ce que j’essaie d’expliquer dans le livre. La notion d’argent est très présente dans le football, même amateur. Beaucoup de parents mettent leur gamin dans le football pour essayer de gagner à la loterie.

A chaque fois, j’essaie d’apporter un rééquilibrage. L’argent est important mais on peut le diluer avec d’autres choses. Quand tu vois l’émergence des réseaux sociaux… les annonceurs ont compris qu’on pouvait les exploiter. Les joueurs n’ont plus besoin des médias traditionnels.

D’ailleurs, vous n’êtes pas sur les réseaux sociaux…

Oui, je n’y suis pas, tout simplement parce que c’est ma vie privée. Je comprends la démarche des gens qui y sont mais c’est ma vie privée. A chaque fois, je vois les commentaires des internautes, il y a beaucoup de haine. Je ne comprends pas comment les politiques n’arrivent pas à légiférer là-dessus.

Le livre vient de sortir, des joueurs de votre génération vous en ont parlé ?

Non, pas pour le moment. J’ai eu des retours de journalistes et de gens que je peux croiser dans la rue. Tous les jours, les gens me déclarent leur amour pour ce qu’on a été et représenté avec l’équipe de France. C’est aussi ça qui me rassure : même les étiquettes qu’ont m’a collé constamment pour me cantoner dans un rôle, les gens arrivent à faire la part des choses. Je ne ferai jamais l’unanimité et ce n’est pas ce que je recherche. Je veux défendre des convictions et des valeurs. Dans la rue, je constate que les gens ont une bonne estime de moi. Ça dure quelques secondes mais les gens nous remercient pour ce qu’on a fait avec l’équipe de France et pour ce que je suis. C’est moi qui ai envie de leur dire merci !